lundi 19 octobre 2009

Federico Fellini : E la pellicula va... (1/2)


Artistes : Enorme actu Fellini en cette fin d’année : rétrospective intégrale à la Cinémathèque ; exposition au musée du Jeu de Paume jusqu’en janvier 2010 ; sortie DVD de Huit et demi ; éditions DVD d’inédits et de docus sur le maestro chez Carlotta ; tout ça pour les 50 ans de la sortie de La Dolce Vita, Palme d’Or 1959.
L'occasion de s’interroger sur la pérennité d’une œuvre et d’un cinéaste qui, il faut bien le reconnaître, est un peu tombé dans le purgatoire de la cinéphilie contemporaine. Lecteur, tu es jeune, tu es beau, tu as moins de 30 ans : combien de films de Fellini as-tu vus ? Très peu, j’en suis sûr. A cela, plusieurs raisons.
Une œuvre mal diffusée
Tout d’abord, son œuvre est mal diffusée – c’est seulement maintenant par exemple qu’est édité en France le DVD de Huit et demi ! Bref, Federico Fellini a pâti d’une gloire qui l’embaume un peu trop vite. Heureusement, des éditeurs comme Carlotta, entre autres, tentent de réparer cet oubli majeur. Nous y reviendrons.
Ensuite, une œuvre close, centrée sur un imaginaire foisonnant - le sien – et souvent réduit à une série de clichés : les femmes plantureuses, le carnaval, le grotesque, le music-hall, bref, le folklore fellinien, la brume, la nuit, etc. Au point que certains ont pu lui reprocher de ne plus avoir rien à dire à propos de ses tout derniers films – Intervista, La Vocce de la luna. "Je me suis inventé une vie afin de pouvoir la raconter", aimait-il à se justifier.
Et la postérité ?
Traîne ensuite l’idée selon laquelle il serait un cinéaste sans réelle postérité. Tellement centré sur lui-même, tellement identifiable parmi des centaines d’autres, son univers lui serait totalement irréductible. Et pourtant ! Les univers et les thématiques, certes moins moins égo-centrés et moins réflexifs d’un Tim Burton, Terry Gilliam ou David Lynch, s’en rapprochent très nettement.
Un signe ? Dante Ferreti, le décorateur attitré des derniers Fellini (revoyez le fabuleux paquebot Gloria N dans lequel loge un rhinocéros de E la nave va), a travaillé pour au moins 2 d’entre eux et fait montre dans ses décors d’un imaginaire débordant et festif (citons Le baron de Munchausen ou bien Sweeney Todd). Quant à Lynch, il n’est qu’à lire dans la dernière livraison des Cahiers du Cinéma le billet d’admiration adressé au maestro pour se convaincre de son influence.
Autre exemple éclatant de sa descendance artistique : Woody Allen, qui lui directement rendu hommage via son méconnu Stardust Memories, sorte de brillant décalcomanie de Huit et demi. Film-modèle à l’origine du prochain musical de Rob Marshall, Nine !
Des films prémonitoires, un imaginaire débordant
Enfin, trop centré sur lui-même, son univers serait difficile d’accès. Eh beh ! Revoyez Ginger et Fred, l’une des satires les plus virulentes traitant de l’emprise de Berlusconi sur les esprits italiens ; revoyez Prova d’Orchestra, parabole sur l’ordre et le désordre, qui par bien des aspects, évoque l’Europe d’aujourd’hui ; ou bien E la nave va, pour comprendre les mécanismes qui agissent sur le déclin des civilisations…
Parmi les grands maîtres européens, je préfère de loin la puissance du silence d’Antonioni ou la science quasi-clinique de Bergman au barnum fellinien. Reste que Fellini, par son approche stylistique, par sa volonté de mélanger le fictif et le réel, l’imaginaire et le quotidien, le passé et le présent, le rêve et le trivial, le carnaval et la mélancolie, le grotesque et le merveilleux, le conscient et l’inconscient, a ouvert les portes de son imaginaire. Un imaginaire certes parfois forclos, limité à l’hénaurme personnalité qu’était Fellini. Mais dont la démarche irrigue bien des cinéastes contemporains.
Travis Bickle

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