jeudi 24 juin 2010

Elio Petri, un cinéaste au-dessus de tout soupçon


En DVD : Sortir de l’ombre des cinéastes italiens moins connus que les maîtres Fellini, Antonioni, Pasolini ou Risi, tel est le grand intérêt du travail cinéphilique de Carlotta. Ainsi, après Pietro Germi, la maison d’édition s’attaque cet été à deux cinéastes tout aussi importants, mais délaissés par les éditeurs : Elio Petri et Mauro Bolognini. Je reviendrai plus tard sur ce dernier pour zoomer sur le premier, à l’occasion de la sortie du double DVD du film majeur du cinéaste, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, Grand prix spécial du jury à Cannes en 1969, Oscar du meilleur film étranger 1970. Et Carlotta de nous livrer là un modèle de DVD.



Fable d’une force subversive inouïe



Tout d’abord, le film. Plus de 40 ans après, une œuvre d’une force inouïe. Et d’une brûlante actualité. Alors qu’il vient d’être promu, un flic romain assassine sa maîtresse, et distille tous les indices possibles pour laisser accroire à sa culpabilité aux yeux de ses collègues. Quitte à inculper un mari perçu comme homosexuel. Ou bien un voisin, jeune, donc gauchiste, donc subversif. Et tout cela dans le but de jouer avec l’impunité dont il bénéficie du fait de son nouveau statut. Forcément, ça vous rappellera quelqu’un, en deça des Alpes. Ou bien au-delà !



C’est dire la force de cette fable socio-politique, menée de main de maître par Elio Petri. Gros plans expressifs sur Gian-Maria Volonte, incarnation idéale de l’arrogance et du mépris, décors marqués par l’anonymat ou la décadence, dialogues à faire frémir «("La répression est notre vaccin. La répression est la civilisation"), le tout sur une musique obsédante d’Ennio Morricone, le film évoque tour à tour l’absurde de Kafka, d’ailleurs cité en fin de film, le grotesque de Borges et la volonté de puissance de Nietzsche. Tout en restant inscrit dans l’actualité de l’Italie des années 70. Et qui trouve des prolongements bien inquiétants dans la nôtre. Bref, un film à redécouvrir d’urgence, dont Al Pacino avait acquis les droits pour le remaker made in Hollywood dans les 70’s.



Un DVD modèle



Ce DVD donne également l’occasion de re-découvrir le cinéaste italien au travers d’une foultitude de suppléments. La stratégie de la tension évoque le contexte dans lequel a été réalisé ce film (attentats de la Piazza Fontana de Milan alors attribués à l’extrême-gauche), et rappelle que le cinéaste, quasi menacé de prison, préfère quitter l’Italie quelque temps. Autre supplément à ne pas rater : Ennio Morricone évoque la construction la mélodie entêtante qui accompagne le film, sa relation au cinéaste, ainsi que de son activité en général, avant de passer au piano (regardez la vidéo).



Enfin, un passionnant documentaire nous permet de redécouvrir le réalisateur. Produit par sa compagne, il aborde un à un la plupart de ses films de ses débuts à sa fin prématurée (novembre 1982), mêlant documents d’archives, extraits, citations écrites et témoignages de comédiens, de techniciens. Ils sont tous là ! Ursula Andress, Vanessa Redgrave, Franco Nero, Robert Altman, Bernardo Bertolucci, le décorateur Dante Ferretti, Ennio Morricone, tous évoquent un homme chaleureux et humaniste, titulaire d’une Palme d’Or en 1972 pour La Classe ouvrière s’en va au paradis, et malheureusement passé un peu aux oubliettes. Parmi ses autres films les plus célèbres, on peut citer Todo Modo (1977), fable sur la démocratie-chrétienne avec Gian-Maria Volonte, et La 10ème victime (1965) fable pop de SF sur les relations hommes-femmes avec Ursula Andress et Marcello Mastroianni.



Espérons que cette édition permette de le remettre au 1er plan des cinéastes italiens. Allez, j’avoue : en visionnant Enquête.., c’est la 1e fois que je voyais un film du cinéaste. Hâte de découvrir le reste, hein Carlotta ;-)



Travis Bickle

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