vendredi 3 septembre 2010

Vertiges : jeu de la folie et du sexe


En DVD : Précis de décomposition de la société italienne sous le fascisme, Vertiges est une oeuvre forte et puissante, qu’il faut revoir absolument. Et qui permet de réévaluer Mauro Bolognini non comme un petit, mais un grand maître du cinéma. En raison de l’éclectisme de son œuvre (quoi de commun entre Les Garçons, Le Bel Antonio et La Dame aux Camélias ?), du peu de moyens dont il a bénéficié et de l’ombre tutélaire de Visconti sous laquelle il a réalisé la plupart de ses films, l’aura dont il jouit auprès des cinéphiles est faible. Occasion de prouver le contraire, grâce à Carlotta qui réédite 4 de ses films.

Une scène d’ouverture anthologique

Vertiges, c’est tout d’abord un genre : le film de fous. OK, ce n’est pas Shock Corridor de Samuel Fuller ou Vol au-dessus d’un nid de coucous de Milos Forman En décrivant précisément le fonctionnement de la clinique psychiatrique de Lucca dans les années 30, Bolognini en démonte les mécanismes : la porosité des frontières entre folie et vie quotidienne, entre pouvoir et mégalomanie, violence et sexualité. A ce titre, la scène d’ouverture – un carnaval organisé par les internés pour les dirigeants de l’hôpital – constitue un véritable morceau d’anthologie, digne d’un Fellini.

Vertiges, c’est ensuite un film qui propose une lecture originale du fascisme sous l’angle de la déresponsabilisation, de la folie et du dérèglement collectif. A travers cet hôpital psychiatrique, le cinéaste met au jour les failles d’une société en quête de repères, prête à se livrer à un homme providentiel. Au-delà du cas historique, ce film révèle les débats qui ont entouré la psychiatrie au début du siècle : les tenants d’une origine sociale de la folie versus les tenants d’une origine biologique ; internement ou intégration dans le quotidien, etc…

L’asile : métaphore de l’Italie fasciste

Enfin, au-delà de l’ambiance de huis-clos propre à tout film traitant de l’internement psychiatrique, Vertiges est un formidable huis clos sexuel, avec pour pivot Marcello Mastroianni. Il y incarne avec suavité et inquiétante étrangeté un mâle objet de désir dans une société quasi-exclusivement féminine, qui use et abuse de son attraction, le rangeant parmi les aliénés. A ses côtés, très belle distribution féminine : Françoise Fabian, en alter-ego, tenante des théories freudiennes sur la psychose ; Marthe Keller, en infirmière compatissante ; Barbara Bouchet, en nymphomane éprise de liberté et d’aventures sexuelles ; Lucia Bose, en amoureuse dépressive ; et enfin Adriana Asti, en maniaco-dépressive obsédée sexuelle.

Travis Bickle

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