mercredi 28 septembre 2011

Portrait d’une enfant déchue : déchirante sonate d’automne irradiée par Faye Dunaway



En salles : "Oeuvre vibrante et aiguë admirablement écrite (…). Les émotions y sont comme transpercées sans que le personnage principal ne soit jamais magnifié. Au contraire, il peut nous exaspérer ou nous bouleverser suivant les scènes, et la mise en scène nous fait à la fois sentir sa futilité et sa profondeur, son égoïsme et son déchirement. Faye Dunaway joue à nu, sans protection ni filet, avec une formidable rigueur, une inspiration, une envolée digne de certaines actrices bergmaniennes." 

Voici ce qu’écrivaient Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon à propos de Portrait d’une enfant déchue (Puzzle of a Downfall Child, 1972), le premier film – eh oui ! – de Jerry Schatzberg, plus connu alors pour ses talents de photographe de mode, et qui allait enchaîner avec deux autres chefs-d’œuvre : Panique à Needle Park et L’Epouvantail.


D’une beauté stupéfiante, d’une audace stylistique incomparable

Plus de 40 ans après, dans une copie restaurée par les équipes de Carlotta, ce portrait reste d’une beauté stupéfiante, d’une audace stylistique incomparable, d’une maîtrise confondante. En brossant le portrait d’un mannequin au bord du gouffre, Jerry Schatzberg signe une œuvre digne de Bergman ou d’Antonioni : cadrage, sens du montage, lumière, musique, tout concourt à épouser la schizophrénie de son personnage principal aux multiples facettes, irradié par la beauté et le magnétisme de son actrice, Faye Dunaway, qui incarne un top model au prénom mythique, Lou Andréas Sand, et dont le récit est inspiré de la trajectoire du top model Ann Saint Marie.

Derrière la femme, l’homme

D’inspiration autobiographique, - le patronyme du réalisateur apparaît ironiquement sur la blacklist des photographes rejetés par l’héroïne ! - Portrait d’une enfant déchue est avant tout un film extrêmement sensuel, physique : caméra près des visages, regard éperdu de Faye Dunaway, discordances du son et de l’image, voix off omni-présente. Et vient s’ajouter à la liste de ces films à l’alchimie mystérieuse, fondés sur les ambiguités d’une collaboration entre un réalisateur et son actrice principale : Cassavetes-Gena Rowlands, Bergman-Liv Ullman, Antonioni-Monica Vitti. Et qui à travers les portraits de femme au bord de la crise de nerfs dressent en creux le portrait d’une humanité qui réprime ses sentiments, ses émotions, son humanité.

Faye Dunaway, like a Stradivarius

Bref, vous l’aurez compris, c’est un film totalement bouleversant. Comment ne pas être déchiré par cette femme – sublime Faye Dunaway, qui bien que très loin de la Vénus sortant de la piscine de L’Arrangement, d’Elia Kazan, irradie constamment –en recherche d’un état de grâce et qui essaie, comme elle dit, d’aller bien ? Comment ne pas s’identifier aux affres qui la traversent face au temps qui passe, la désinvolture des générations montantes et le sentiment inexorable de solitude qui l’accompagne ? En Faye Dunaway, Schatzberg a trouvé là son Stradivarius. Ce qui lui permet de composer là une douloureuse et déchirante sonate d’automne.

Travis Bickle

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