lundi 23 septembre 2013

Rush : Ron Howard pied au plancher !


En salles : Avouons-le, et ne boudons pas notre plaisir : avec Rush, non seulement l’inégal Ron Howard semble avoir mis un tigre dans son moteur après pas mal de déceptions – une carrière en roue libre depuis DaVinci Code, à une exception près - mais il réalise l’un des tout meilleurs films consacré à un sport pourtant déjà filmé par bien d’autres – et non des moindres : Hawks, Frankenheimer, Tony Scott – sans grande réussite : la Formule 1. Alors, là, à quoi roule la mécanique Rush ?


Un scénario plaqué or

Un scénario plaqué or signé Peter Morgan. Peter Morgan, c’est un ancien journaliste britannique passé au scénario depuis une vingtaine d'années. A son actif : The Queen de Stephen Frears, Le dernier Roi d’Ecosse de Kevin McDonald ou Skyfall, le dernier Bond de Sam Mendes. Et surtout, il a signé Frost-Nixon, réalisé par un certain… Ron Howard, déjà ! Des scénarios centrés sur des affrontements physiques et psychologiques, incarnations d'une époque, d'une idée, d'un idéal. Bref, des intrigues qui laissent la part belle aux dialogues et aux interprétations, et qui permettent à leurs réalisateurs d'assurer le minimum en s'appuyant sur une histoire en béton.

Rien qu'avec ça, on eût été content de ce Rush. Mais au lieu de se contenter d'un hymne classique à l'héroïsme, on sait dès le départ que le film s'achèvera sur une note en demi-teintes, sur le goût amer de la victoire. Comme si Hunt et Lauda formaient les deux facettes d'une même pièce. Singulière surprise que ce singulier scénario.

Un duel hissé au rang du mythe

Autre point à l'actif de Rush : la dimension mythologique que que l'affrontement dantesque que se livrent les pilotes de Formule 1 James Hunt et Niki Lauda sous la caméra de Ron Howard. D'un côté, la flamboyance et le charisme dionysiaque du pilote britannique McLaren ; de l'autre, le calcul et la ténacité appolinienne du pilote autrichien Ferrari. Un affrontement qui atteint son paroxysme lors de la saison 1976, théâtre de l'accident quasi-mortel que subit Lauda au Grand prix d'Allemagne de Nürburgring, et d'un duel extrêmement serré entre les deux champions pour remporter le titre mondial. Tout y est : affrontement, vexations, mini-flash-backs, accidents, doutes, come-back, jusqu'à la course finale, suivie d'un épilogue majestueux. 

Et que vous soyez ou non – comme moi ...- fan de F1, le film trace sa route le pied collé au plancher, sans que vous vous ennuyiez une seconde ! Si on peut regretter l'abus de filtres dans la reconstitution – ce qui donne un effet Instagram à l'image ! - les scènes de course sont spectaculaires : gros plan sur les visages alternant avec ceux sur la mécanique, donnant l'impression aux spectateurs d'être aux avant-postes de la course.

Peinture des années 70

Car au-delà du seul affrontement, c'est toute une époque que fait revivre le film : celle du début des années 70, où tout semblait encore permis. Sexe, drogue, filles, début du star system, course contre la mort, argent facile, Ron Howard a parfaitement soigné la restitution de l'époque. A quoi s'ajoute en filigrane la peinture d'une jet-set qui entoure le monde la F1, de New-York à Tokyo, en passant par Monaco ou les vignobles toscans. Apparaissent d'ailleurs en arrière-plan les figures des comédiens Curt Jurgens et Richard Burton, ayant eu chacun un rôle (involontaire) dans les destinées de ces deux êtres d'exception que furent Hunt et Lauda. 

Bien évidemment, la BO est au diapason : si les tubes de l'époque y sont judicieusement choisis (Fame de Bowie, Gimme some lovin de Steve Winwood), le score de Hans Zimmer est également à l'unisson, pour restituer les sons de l'époque tout en conférant une dimension mythologique au duel des deux coureurs.

Chris Hemsworth : mieux qu'une révélation, une évidence

Enfin, pour incarner ces deux chevaliers des temps modernes, Ron Howard a eu le nez creux en misant sur deux acteurs à la notoriété naissante, mais qui là explosent complètement ! Pour Niki Lauda,  le choix de Ron Howard s'est porté sur Daniel Brühl. Daniel Brühl, c'est l'acteur du succès surprise made in Germany de l'année 2003, et revu depuis dans Inglorious Basterds, entre autres. Là, en restituant l'aplomb, la ténacité, la rage calculatrice et méticuleuse du pilote autrichien, il trouve le meilleur rôle de sa carrière. 

Quant à James Hunt, il fallait du culot pour aller chercher l'Australien Chris Hemsworth, l'interprète de Thor, dont le talent ne nous avait pas franchement frappé. Là, il se hisse carrément à la hauteur d'un Brad Pitt ou d'un Robert Redford, en incarnant ce diable blond au charisme foudroyant, tout aussi impressionnant – et agaçant ! - dans ses moments d'extraversion et de doutes. Mieux qu'une révélation : une évidence !

Sujet en or pour Michael Mann

Alors, oui, c'est certain, manque au film la patte d'un Michael Mann qui aurait sublimé un tel sujet, fait pour lui : les années 70, la confrontation masculine, deux facettes d’une même obsession, le sentiment d’inachevé, la fascination pour des univers nietzschéens où l’humain cherche à se dépasser, le rôle des femmes au second plan mais indispensables, la fascination pour le métallique, la tension entre pulsions de vie et pulsions de mort, les univers atmosphériques où se jouent le destin d'êtres privés de transcendance. Mais tel quel, c’est un bonheur de cinéma, une excellente histoire, extrêmement bien écrite, parfaitement incarnée, et exécutée avec maestria par un Ron Howard en sur-régime !

Travis Bickle

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