mardi 23 janvier 2024

Norman Jewison : le mal aimé à reconsidérer

Denzel Washington Norman Jewison CINEBLOGYWOOD

Mal aimé, mal connu, Norman Jewison, qui vient de nous quitter, mérite pourtant notre attention. Car s’il ne fait pas partie du panthéon des cinéphiles, il a à son actif quelques films connus de tous, célébrés de beaucoup, mais sans qu’on sache les lui attribuer : Dans la chaleur de la nuit donc, mais aussi L’Affaire Thomas Crown, Rollerball ou Jésus-Christ superstar. Le propre des très bon faiseurs, mais qui manquent de personnalité ? A voir... 


Acteur, scénariste pour la BBC, le cinéaste, né en 1926, fait ses premières classes auprès de Judy Garland ou Frank Sinatra, avant de réaliser au début des années 1960 des comédies de tout petit intérêt avec Doris Day ou Rock Hudson. Sa carrière ne démarre qu’en 1965. Deux-trois choses qu’il faut retenir de Norman Jewison :

Steve McQueen. Le cinéaste fait tourner deux fois l’acteur. D’abord, en remplaçant au pied levé Sam Peckinpah pour Le Kid de Cincinnati (1965), puis L’Affaire Thomas Crown (1968), mondialement célèbre pour ses split-screens, son style Courrèges, la beauté de Faye Dunaway, Boston, la photo d’Haskell Wexler et ses violons dus à Michel Legrand.

Racisme. Oui, le cinéaste est avant tout un réalisateur à thèmes. Ce qui est à l’origine de nombreux malentendus, et d’une certaine condescendance de la critique à son égard. Pourtant, Dans la chaleur de la nuit n'a rien de démodé. Le duo Sydney Poitier-Rod Steiger y fonctionne à plein. L’ambiance poisseuse du Mississippi également. 5 Oscars à la clé. Un classique. Jewison reviendra à deux reprises sur ce thème : en 1984, avec A Soldier’s story, huis-clos entre Noirs sur une base américaine en 1944, qui offre à Denzel Washington un de ses premiers rôles. Et auquel Norman Jewison offrira en 1999 le rôle d’Hurricane Carter, Ours d’Argent d’interprétation masculine la même année, sur le combat pour la vérité mené par un boxeur noir injustement accusé de meurtres.

Dénonciation et grands sujets. Ils ne font pas toujours bon ménage chez Norman Jewison – Un héros comme tant d’autres, sur les vétérans du Vietnam, ou même Hurricane Carter – mais c’est l’une des marques de fabrique du réalisateur. Pour trois de ses meilleurs films – voire les meilleurs. 

- FIST (1978) : formidable fresque sur les collusions syndicats-mafia brosse le portrait de Jimmy Hoffa, sous les traits d’un Stallone très Actor’s Studio. Scénario de Joe Eszterhas, Rod Steiger également au casting. 
- Justice pour tous (1979) : véritable pamphlet sur les compromissions de la justice et ses petits arrangements, avec un Al Pacino impulsif et survolté. Scénario de Barry Levinson et de son épouse Valerie Curtin. 
- Rollerball (1975) qui vaut vraiment d’être revu. A la fois parabole sur la violence et le spectacle, la main mise des grandes sociétés sur le monde contemporain, ode à la liberté individuelle, c’est un film de politique fiction futuriste absolument visionnaire et passionnant. Sens des décors, maestria du score qui aligne Chostakovitch, Albinoni et Bach, le film, parfois, évoque Kubrick, l’ironie en moins. Un très bon film qui aurait pu être un chef-d’œuvre.

Musique. C’est là encore une des marques de fabrique de Norman Jewison. Qu’il adapte des succès de Broadway avec plus - Un Violon sur le toit (1971) – ou moins de bonheur - Jésus-Christ superstar (1973), -, qu’il demande à Ray Charles et Quincy Jones de signer le score de Dans la chaleur de la nuit, qu’il fasse appel à Bill Conti, Dave Grusin ou le chef-d’orchestre, il a toujours apporté un soin particulier à la musique de ses films. Héritage de ses débuts comme entertainer auprès de Frank Sinatra et Judy Garland ? Et il est même parvenu à ce que la chanteuse Cher décroche un Oscar de la meilleure actrice pour sa comédie italo-italienne Eclair de Lune en 1987 !

Stars. Steve McQueen, donc, mais aussi Faye Dunaway, James Caan, Rod Steiger, Sylvester Stallone, Sidney Poitier, Al Pacino, Denzel Washington, Michael Caine, Nicolas Cage, Cher, Bruce Willis, Jane Fonda, et même Gérard Depardieu : un beau tableau de chasse !

Hal Ashby. c’est enfin Norman Jewison qui a poussé son jeune monteur à passer derrière la caméra, après l’avoir éprouvé avec succès sur Dans la chaleur de la nuit et L’Affaire Thomas Crown

PS : avec Norman Jewison, nous entamons un petit tour parmi les filmographies de quelques oubliés ou mal connus des années 70. Suivront entre autres Alan J. Pakula, Arthur Penn, Sydney Pollack et Robert Mulligan.

Travis Bickle

Aucun commentaire: