samedi 30 mai 2015

Cinéastes 80 : Joe Dante l'insolent surdoué


Artistes : Suite et heureusement pas fin de Cinéastes des années 80 (découvrez notre dossier), une série d'entretiens passionnants diffusés sur OCS Géants. Ce samedi 30 mai, à 22h20, c'est au tour de Joe Dante de répondre aux questions de Jean-Pierre Lavoignat et Christophe d'Yvoire. 


Première surprise, en découvrant l'entretien, Joe Dante a des cheveux blancs ! Vérification rapide sur internet : il a 68 ans !! Bon, j'avoue, ce n'est pas vraiment une surprise, hein, mais enfin, je gardais en tête l'image d'un petit jeunot à lunettes, comme sur ces photos avec Steven Spielberg.



C'est ce que Dante incarnait dans les années 1980, alors qu'il était dans sa trentaine : la jeunesse. Et tout ce qui va avec : fraîcheur, insolence, dynamisme. Autant de caractéristiques que l'on retrouve dans sa mise en scène et ses films. Pour autant, le p'tit Joe n'avait rien d'un "newbie". Il était doté d'une impressionnante maturité cinématographique. Le bonhomme a passé son enfance et son adolescence sur la Côte Est à enchaîner les séances de cinéma, avec une prédilection pour les films de genre. Maturité technique également puisque Dante rejoint en 1974 l'écurie Roger Corman, le pape de la série B qui révèle une génération de cinéastes (Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Jonathan Demme, Ron Howard...) en leur faisant faire leurs dents sur des productions à petit budget, tournées à toute allure. Une école de cinéma en soi. 

Piranhas (1978)
C'est ainsi que dans le sillage du succès des Dents de la Mer, Joe Dante est amené à réaliser pour Corman un Jaws de série B. Le gigantesque requin est remplacé par une horde de piranhas échappée d'un laboratoire et qui s'en donne à crocs joie en descendant la rivière. Plus qu'un copié-collé, Dante signe avec ce deuxième film une oeuvre impertinente, drôle et pleine de références (à Jaws, Citizen Kane et bien d'autres). Les maladresses du quasi débutant sont emportées par l'inventivité de la mise en scène. Universal veut faire interdire Piranhas mais Steven Spielberg apprécie le culot du jeunot. Le film peut sortir en salles et connaître un joli succès.


Hurlements (The Howling, 1981)
Ce film de loup-garou sort la même année que Le Loup-garou de Londres, réalisé par John Landis. Un cran en dessous, Hurlements n'en reste pas moins un film d'horreur efficace, aux effets spéciaux remarquables (signés Rob Bottin et Rick Baker). Encore des références, déjà une troupe de seconds rôles (Dick Miller, Kevin McCarthy) que l'on retrouvera tout au long de la filmo de Dante et surtout, une mise en scène toujours virevoltante. Résultat : gros succès pour un budget minime.


La Quatrième Dimension (Twilight Zone The Movie, 1983)
Spielberg a gardé un oeil sur Dante et l'intègre à son écurie, Amblin. La première expérience de Joe avec Hollywood commence par un film maudit. Pourtant, tout partait bien : une adaptation d'une série culte par quatre réalisateurs en vogue, Steven Spielberg et John Landis les confirmés, George Miller et Joe Dante les stars montantes. La belle histoire vire au drame absolu quand, sur le tournage du segment de John Landis, un hélicoptère s'écrase sur l'acteur Vic Morrow et deux fillettes. La prod tourne alors en roue libre, Landis, Spielberg et Warner étant accaparés par l'accident et ses conséquences, psychologiques, judiciaires et financières. Dante et Miller ont alors une liberté absolue (et le budget qui va avec) sur leur plateau. Leur première impression d'Hollywood est donc complètement faussée, comme le raconte Dante. Il déchantera bien vite... En attendant, son segment et celui de Miller sont les plus réussis. Pour autant, le film, marqué par l'accident, se plantera au box-office. Pour le découvrir, il faudra vous procurer le Blu-ray en import.


Gremlins (1984)
Sous l'aile de son "parrain" producteur Steven Spielberg, Joe Dante prend ce projet d'inoffensif blockbuster de Noël pour l'amener dans des recoins sombres. Fuck le mignon Mogwai ! Vive les méchants Gremlins ! Dante s'en donne à coeur joie dans la représentation grinçante de la gentille banlieue américaine. Avec en prime des moments dignes de films d'horreur, le gore en prime. Le Gremlin explosé dans le micro-ondes, le Gremlin déchiqueté dans le mixeur, le Gremlin en chef qui "fond" et finit à l'état de squelette... Et cette histoire de père qui meurt la nuit de Noël coincé dans sa cheminée, cette scène où la mère, attaquée par un Gremlin planqué dans un sapin, se retrouve à terre avec un arbre de Noël s'agitant entre ses jambes... Pas étonnant que Warner voie rouge. Premier bras de fer entre le cinéaste et un studio mais Spielberg le soutient. L'immense carton au box-office fait de Dante un roi d'Hollywood.


Explorers (1985)
Le roi ne reste pas longtemps sur son trône. Produit par Paramount, sans Spielberg dans la boucle, Explorers narre l'histoire de gamins qui se lancent dans la construction d'un vaisseau spatial et rencontrent un extra-terrestre gavé de télé américaine. La sortie en salles est avancée. Pas le temps de fignoler le scénar, les effets spéciaux... Dante perd la main. Cela sent mauvais. Le film sort inachevé. Gros, gros bide. Je n'en garde pas un grand souvenir. D'autant que dans l'horrible VF, l'E.T. passe son temps à imiter des personnalités françaises. Nul. Explorers lance pourtant la carrière de gamins qui deviendront stars : Ethan Hawke et River Phoenix. 



Cheeseburger film sandwich (Amazon Women on the Moon, 1986)
La suite moins percutante du mythique Hamburger Film Sandwich. Avec John Landis et d'autres réalisateurs, Joe Dante signe quelques segments de ce film à sketchs. Inégal.


L'Aventure intérieure (Innerspace, 1987)
Retour chez Amblin et Warner pour ce remake du Voyage fantastique (1966). Le film mêle aventure avec effets spéciaux et moments de pure comédie. Un militaire américain se retrouve miniaturisé dans un sous-marin pour être injecté dans un lapin... mais il finit, par accident, dans le corps d'un employé timide et hypocondriaque. Dante détourne ce pur blockbuster,drôle et rythmé, avec une perversité jouissive. Comme lors de cet arrière-plan où le bad guy (Vernon Wells, l'Iroquois fou de Mad Max 2), qui a une main robotique, encastre dans son moignon un godemichet tandis que sa patronne converse au téléphone. J'ai beaucoup aimé le film (pas que pour cette scène, hein), qui réunit Dennis Quaid, Martin Short et Meg Ryan. Mais, à l'époque, le public ne se presse pas en salles. La cote de Dante continue de baisser...


Les Banlieusards (The 'Burbs, 1989)
L'arrivée de nouveaux voisins étrangers met un petit quartier de banlieue en émoi. Etonnant casting : Tom Hanks, Bruce Dern, Carrie Fisher, Corey Feldman (découvert dans Gremlins) ! Dante s'en donne à coeur joie dans la critique d'une Amérique proprette mais xénophobe. Mise en scène virtuose pour un film original. Décontenancé, le public ne suit pas en masse. Un nouvel échec.


La suite de la carrière de Dante suivra la même voie : films plus ou moins réussis, marqués par des bras de fer avec les studios (y compris avec le parrain Spielberg pour Small Soldiers) dont la carrière en salles est au mieux décevante. C'est que Dante n'est pas un faiseur de blockbuster, c'est un punk qui adore revisiter les films de genre avec son regard moqueur. De Dante, je retiens aussi une signature visuelle, un plan qu'il intègre dans la plupart de ses films : un travelling qui se termine par le basculement de la caméra sur le côté. C'est alors que la scène bascule dans l'horreur, le fantastique, le dérangeant...

Anderton





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