mercredi 9 mars 2016

Desperate Hours : les fulgurances de Michael Cimino

En DVD et Blu-ray : Avant-dernier film de la courte carrière de Michael Cimino (7 films en 20 ans, dont 2 chefs d’œuvre absolus, un beau ratio !), Desperate Hours est le remake d’un film de William Wyler, La Maison des otages (1954), lui-même adapté d’une pièce signée Joseph Hayes. Polar claustrophobique, traversé de fulgurances visuelles, Desperate Hours reste une œuvre mineure dans la carrière du cinéaste. Parce qu’il n’a pas eu la main sur le montage final, il est traversé d’incohérences narratives et de montage. Néanmoins, le revoir aujourd’hui, grâce à l’édition et le très beau master qu’en offre Carlotta, permet de le réévaluer, notamment grâce à la flamboyance de sa réalisation.



Cimino-Hollywood, new round again
Les échecs commerciaux de L’Année du Dragon (1985) et du Sicilien (1987) ne permettent plus à Michael Cimino d’initier les projets personnels. C’est pourquoi il accepte la commande que lui passe son producteur Dino de Laurentiis de réaliser ce remake, à la demande insistante de Mickey Rourke. Dont c’est ici la troisième collaboration avec le réalisateur, après Heaven’s Gate et L’Année du Dragon. L’intrigue ? Il s’agit de la prise d’otages d’une famille bourgeoise en décomposition par une bande de ravisseurs, menée par un psychopathe, avec l’aide de son avocate. Intrigue en forme de huis clos, donc, dominée par un casting king size : Mickey Rourke, dans le rôle de Michael Bosworth, le chef des preneurs d’otages ; Anthony Hopkins, qui n’avait pas encore été consacré Hannibal Lecter ; Mimi Rogers, alors épouse de Tom Cruise ; Lindsay Crouse, compagne et actrice fétiche du dramaturge David Mamet ; le mannequin Kelly Lynch ; enfin dans des seconds rôles, David Morse et Elias Koteas.

Désir de fuite

Dénonciation des petites hypocrisies de la société américaine contemporaine, le film est construit sur une tension - le désir de nature et de grands espaces, d’une part ; la place du mal au cœur de la société américaine, d’autre part. D’où une caméra en constante mobilité  qui se fait le porte-voix de ce désir de liberté, des otages, des criminels, et de Cimino lui-même ! Désir de liberté à l’égard d’une intrigue très cadrée, et dont le cinéaste s’échappe à trois reprises, et de quelle manière ! Dans un prologue éblouissant – une Jaguar sillonnant à toute allure les abords du lac Silverton ; dans un canyon, lors de la fuite d’un des trois ravisseurs, David Morse, qui sifflote l'air mythique des westerns, Red River Valley ; enfin, dans un final, qui exprime la sympathie qu’éprouve le cinéaste pour les rebelles au détriment des conformistes. Bref, le propre des grands cinéastes que de pouvoir s’échapper des contraintes pour mieux épanouir leur vision et leur style !


Brio constant de la réalisation

Si le film reste un des moins personnels du cinéaste, c’est peut-être celui dans lequel il fait preuve d’un brio constant. Que ce soit dans la maison ou dans les extérieurs, le film est constamment jalonné de fulgurances visuelles qui maintiennent l’attention du spectateur. Et ce malgré les incohérences de montage et de scénario qu’il a dû subir de la part de la production. De son propre aveu, ce fut sa pire expérience de réalisateur, comme si on avait tenté de lui écraser le cœur avec une grosse pierre, comme il l’avouera au critique Jean-Baptiste Thoret dans son livre Cimino, Les voix perdues de l’Amérique. Autre atout au crédit de Cimino : sa direction d’acteurs. La tension de Mickey Rourke profite à l’ensemble de la troupe, qui se montre effrayée ou excédée face à leur partenaire de jeu, notamment Anthony Hopkins.

Polar sous tension, incomplet et imparfait, donc, dans lequel on ne retrouve que partiellement la patte de Cimino, Desperate Hours n’en demeure pas moins un splendide objet, un peu vain, mais qui témoigne de l’envie de cinéma d’un cinéaste contraint alors à accepter des commandes. Le nouvel échec commercial rencontré par le film, sorti en France en pleine guerre du Golfe en janvier 1991, contraindra le cinéaste à entrer davantage dans le silence, les souvenirs et la mélancolie et les souvenirs, tels un James Averill du 7e Art.

Peu de bonus dans cette très belle remasterisation éditée par Carlotta, si ce n’est une passionnante interview de Jean-Baptiste Thoret, qui remet le film en perspective dans la trajectoire du cinéaste.
Travis Bickle

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