lundi 7 mars 2016

L'Ange ivre : le néo-réalisme selon Kurosawa

 

En DVD et Blu-ray : Avec la collection Akira Kurosawa Les années Toho, Wild Side poursuit l'édition jusqu'à début 2017 des versions restaurées HD de 17 longs métrages du cinéaste japonais. Au programme : des grands classiques (Le Château de l'araignée, La Forteresse cachée...), quatre inédits et des perles, comme L'Ange ivre (1948), sorti en début de mois. Je dois avouer qu'à l'exception d'une poignée de films (Les Sept samouraïs, Ran, Dersou Ouzala...), je connais très mal l'œuvre de Kurosawa. Et ce Blu-ray m'a emballé.

 

Tokyo-Rome-Athènes
 
L'histoire se passe juste après la deuxième guerre mondiale, dans un quartier pauvre de Tokyo bordé par un cloaque. Un médecin bougon et alcoolique reçoit la visite d'un jeune mafieux arrogant, qui a été blessé à la main. Le praticien découvre que son patient est également atteint de tuberculose mais ce dernier refuse de se faire soigner. Dès les premières images (superbe noir et blanc restauré), on sent l'influence du néo-réalisme. En voyant ce guitariste, jouant à la lumière d'un lampadaire, coincé entre des murs lépreux et des eaux croupissantes, j'ai aussi pensé à Stella Femme libre (1955) de Michael Cacoyannis. Même misère, même poésie, mêmes personnages qui se (dé)battent, abandonnés par les pouvoirs publics, livrés à eux-mêmes...  
 
Entre le voyou et le toubib, une étrange relation s'instaure, faite de respect diffus et d'antagonisme exacerbé. Les cris jaillissent, les coups aussi. Pour un verre d'alcool, le médecin est prêt à mettre sa fierté de côté, mais quand il s'agit de s'attaquer à la maladie, rien ne l'arrête. A l'inverse, le mafieux ne peut avouer qu'il a peur ou qu'il souffre. Il compense par la violence. Les personnages sont bien brossés. Takashi Shimura interprète le docteur Sanada avec beaucoup de caractère : il est à la fois drôle et poignant, sorte de cousin éloigné d'un Raimu. Face à lui, le jeune Toshiro Mifune crève l'écran par sa présence animale ; ses réactions à fleur de peau révèlent une fragilité tout aussi émouvante que celle du médecin.
 

 
L'approche de Kurosawa, dont il s'agit du 8e film, se veut "naturaliste". Elle n'interdit pas quelques beaux moments qui flirtent avec la poésie. Pas plus qu'elle n'empêche le cinéaste de proposer une mise en scène inspirée. Je pense notamment à un étonnant combat marqué (au sens propre) par la peinture. Pour accompagner le film, Wild Side a choisi une interview très éclairante du critique Jean Douchet ainsi qu'un reportage nippon sur la méthode Kurosawa. Un livret illustré complète le tout. Cela va être difficile de passer à côté de cette collection.
 
Anderton
 
 

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