lundi 6 juin 2016

Diamant noir : éclatante pépite !

En salles (le 8 juin) : Diamant noir... Voilà un film qui porte bien son titre ! Car qui pouvait penser qu’un tout jeune cinéaste français, Arthur Harari, puisse ciseler un premier film qui s’inscrive avec autant d’éclat dans un genre aussi codifié que celui du film noir,  tout en livrant une œuvre éminemment personnelle, qui travaille les thèmes de la quête d’identité, de la famille vampirique, et du fatum antique ?

 
Du casting à la narration, en passant par la réalisation, Arthur Harari fait preuve d’une maîtrise de diamantaire, dont on se demande juste comment elle a pu échapper au regard des sélectionneurs et festivaliers de la terre entière, Festival de Beaune excepté, où il a récolté le Grand prix du jury ? Quatre raisons de découvrir cette pépite
 

Pour sa scène d’ouverture

Traumatique. Référentielle. Elle vient irriguer tout le film, lui donner sa tessiture, entre précision documentaire et allégorie tragique. Gros plan sur un œil. Fondu enchaîné sur l’établi d’un diamantaire. Deux hommes, l’un debout  observant l’autre taillant une pierre. Retour sur un œil en gros plan, une larme apparaissant. Puis sur l’atelier. Très vite, la main du joaillier est absorbée par la machine. Du sang gicle sur les murs. Et sur la chemise blanche immaculée de l’observateur. Comme dans L’Exercice de l’Etat, cette scène agit comme un précipité onirique de l’intrigue qui suit : celle d’un jeune homme, Pier, prêt à venger l’honneur déchu de son père disparu, en s’infiltrant dans la famille de son oncle, à la tête d’une dynastie anversoise de joailliers.

Pour son aspect documentaire
Rarement – sauf peut-être dans Place Vendôme, de Nicole Garcia – montré à l’écran, le milieu des diamantaires constitue la première surprise de ce film. Tourné sur les lieux mêmes de l’action à Anvers, Diamant noir décrit par le détail les ateliers de taille, la minutie et la précision des gestes, les subtilités du négoce. Mieux : en s’offrant l’écrin du polar, Arthur Harari emploie la même attention pour filmer les préparatifs d’un casse, le repérage d’une maison avant cambriolage ou le grouillement des rues de Barbès. Ce qui lui donne une véracité et une authenticité qui rappellent aussi bien la méticulosité de Michael Mann dans Le Solitaire que le formalisme d’un James Gray dans The Yards.
 


Pour son arrière-plan dramatique tragique
A la manière d’une James Gray qui travaille les grands archétypes bruts de la tragédie pour les tailler et les ciseler dans l’écrin du film noir, Arthur Harari s’appuie sur les grands mythes tragiques pour donner une force au destin de son héros. On pense bien évidemment à Hamlet, mais aussi à Œdipe Roi, ou à Peer Gynt, explicitement cité à travers un extrait de l’opéra de Grieg, comme un contre-point ironique aux destins de Pier et son cousin Gabi. Au-delà de ces citations, toutes ces œuvres travaillent le thème de la quête identitaire, de la vengeance familiale. Famille au cœur de Diamant noir, sous sa forme métaphorique comme littérale, le frère du réalisateur en tant que chef opérateur, jusqu’au grand-père Clément, le célèbre comédien et grand second rôle du cinéma français – Inspecteur La Bavure de Zidi ou Les Espions de Clouzot – apparaissant le temps d’une photo dans le rôle du grand-père joaillier.

Pour son casting inédit

Pour le rôle principal, là où on aurait pu attendre un Mathieu Amalric ou un Yvan Attal, on découvre Niels Schneider, complètement métamorphosé. On l’avait laissé mi-ange, mi-démon chez Xavier Dolan dans Les Amants magnifiques, le voici nerveux et fébrile, à la manière d’un Joaquin Phoenix. Impressionnant. A ses côtés, dans les rôles de pères de substitution, le metteur en scène flamand Hans Peter Cloos affronte l’écrivain Abdel-Hafded Benotman, décédé depuis et auquel le film est dédié. Dans le rôle du cousin épileptique, c’est August Diehl qui s’illustre dans tous les registres, de l’angoisse au malaise, en passant par le grotesque ou l’abandon. Enfin, il faut citer Raphaële Godin dans le seul rôle féminin d’envergure, qui parvient en quelques scènes à donner chair à un personnage-clé grâce à sa présence et sa voix.
 
Travis Bickle

Aucun commentaire: