lundi 5 septembre 2016

Rétro Belmondo : le héraut de la Nouvelle vague (1/5)

Artistes : Jean-Paul Belmondo, notre Bébel national, reçoit cette année un Lion d’Or exceptionnel pour l’ensemble de sa carrière à l’occasion de la Mostra 2016. Enfin ! S’il n’aime guère les hommages – les Césars se souviennent encore de sa fameuse lettre envoyée en 1988 – ce n’est que justice : à 83 ans, il a à son actif près d’une centaine de films, et ses compositions restent dans les mémoires.





Si ses belmonderies sont encore bien présentes à l’esprit des générations actuelles, si sa suprématie au box office dans les années 80 en a fait une véritable star populaire et incontestée du cinéma français, on peut regretter le peu d’audace de ses choix à cette époque, malgré une première partie de carrière au cours de laquelle il alternait régulièrement des films d’auteur avec des genres populaires. 

Mais au fait, est-on bien sûr de connaître sa filmographie ? Sait-on, par exemple, qu’il a eu une activité très intense en Italie dans les années 60 ? Faut-il rappeler que c’est d’abord et avant tout un acteur de théâtre qui a fait ses classes au Conservatoire ? Ce Lion d’Or vient à point nommé pour faire un zoom en cinq temps sur une carrière cinéma certes glorieuse, mais qui, avec le temps et à l’inverse de son rival Alain Delon, laisse un goût d’inachevé, faute d’audaces et de prises de risques. Reste son inscription dans le cœur du public, et une carrière sauvée à temps par un retour sur les planches (Cyrano, Tailleur pour Dames, Kean) au moment même où son public commençait à le déserter dans les salles obscures. 

Première partie de notre semaine Bébel : la Nouvelle Vague. Le nom de Belmondo reste indissociablement lié au mouvement des jeunes Turcs du cinéma français. Godard, bien évidemment, avec lequel il tourne cinq films, et pas des moindres ; mais il faut également citer ses compositions pour Chabrol, Truffaut, Resnais et Melville.

Jean-Luc Godard

Charlotte et son Jules (1958). Coup d’essai, dans lequel Jean-Luc Godard post-synchronise Belmondo ! Petit exercice de style avant les coups de maîtres.

A Bout de souffle (1959). Faut-il encore le présenter ? Scénario de Truffaut, apparition de Jean-Pierre Melville, son jeu moderne et libéré, etc. Claude Sautet en dira ceci : "Le film qui m’a le plus frappé de toute mon existence. Il faut être un fou ou un menteur pour mésestimer l’importance de ce film unique et grandiose".


Une femme est une femme (1962) dans le rôle d’Alfred Lubitsch ! Variation sur un trio amoureux dans le Paris du faubourg Saint-Denis, ce film regorge d’allusions au cinéma de la nouvelle vague. Entre Jean-Claude Brialy et Anna Karina, Belmondo se régale.


Pierrot le Fou (1965). De Rimbaud à Céline en passant par Nicolas de Staël, un sublime poème d’amour fou. Le plus beau Godard, avec Le Mépris. Belmondo se fond dans son univers avec aise et bonheur. Dommage qu’ils n’aient plus retourné ensemble ! Dommage que Belmondo ne se soit laissé aller à davantage d’audaces dans la suite de sa carrière !



A double tour (1959), Docteur Popaul (1973) : deux expériences dont il faut surtout retenir la deuxième. Car Bébel permet à Chacha de décrocher son plus gros succès au BO, pour un rôle étonnant : celui d’un séducteur devenu paralysé, qui a longtemps préféré les femmes laides aux jolies filles ! Très peu visible, malheureusement.


Jean-Pierre Melville

Léon Morin prêtre (1961). Dans cette adaptation du roman de Beatrix Beck, Belmondo fait l’admiration de son réalisateur : "Belmondo est le comédien le plus extraordinaire de sa génération. Il peut faire rigoureusement n’importe quoi". Mutique, sobre, naturel, il livre là une de ses meilleures compositions, celle d’un prêtre dont s’éprend une femme incarnée par Emmanuelle Riva.


Le Doulos (1962). Le plus américain des films de Jean-Pierre Melville, dans lequel Belmondo se love admirablement, dans un jeu underplay dans lequel il excelle et qu’on a un peu oublié.


L’Aîné des Ferchaux (1963). Cette adaptation de Simenon marque la brouille définitive entre l’acteur et son réalisateur. Bien que situé aux Etats-Unis, le film, road movie en forme de quête initiatique entre un jeune boxeur et un affairiste vieillissant, est intégralement tourné sur la Côte d’Azur. Belmondo reprendra le rôle incarné ici par Charles Vanel dans un remake TV en 2001, aux côtés de Samy Naceri.



La Sirène du Mississipi (1969). Malgré le duo qu’il forme avec Catherine Deneuve, le film est un terrible échec artistique et commercial. Dans un rôle d’anti-héros, à la fois passif et acteur de sa déchéance, Belmondo étonne et surprend. Mais meurtri par cette expérience, il se tourne alors vers les projets commerciaux.



Stavisky (1974). Autre échec public et critique, malgré sa présentation à Cannes. Dommage, car même si on peut regretter que Belmondo se laisse aller à quelques belmonderies, le film est une brillante évocation onirique des années 30. Belmondo y croise furtivement Gérard Depardieu.


Demain : direction l'Italie !


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