jeudi 11 mai 2017

Barbet Schroeder : le baroudeur du cinéma

Artistes : Enfin ! Barbet Schroeder est enfin célébré comme il se doit : outre un superbe coffret édité par Carlotta, le cinéaste a les honneurs d’une rétrospective au Centre Georges Pompidou, et celui d’un essai biographique signé Jérôme d’Estais édité chez Lett Motif. Et ce n’est que justice : en près de 25 films, le réalisateur a foulé tous les continents, épousé tous les genres et endossé tous les rôles (réalisateur, producteur, acteur...). Cinéaste baroudeur comme on n’en fait plus, fidèle à des thématiques – le pouvoir, la violence, la manipulation – qui l’ancrent définitivement dans le contemporain, tout en s’inscrivant dans la lignée des grands explorateurs du cinéma, en quête perpétuelle et en permanente remise en question : John Huston, Louis Malle, Werner Herzog, pour ne citer que ceux qui me sont les plus chers. Focus sur le coffret Carlotta.


Baroudeur du cinéma

Véritable explorateur du cinéma, Barbet Schroeder n’a de cesse de scruter la nature humaine dans sa complexité et ses paradoxes, où qu’elle se situe, en France, en Colombie, en Afrique ou au Japon. Des films singuliers, dans lequel la fiction se mêle au documentaire, où la réalité se fait encore plus forte que la fiction. En imprimant une patte documentaire à tous ses films de fiction, et en tirant la réalité vers une fiction bigger than life, le réalisateur a tissé une filmographie unique en son genre, qui l’a amené de la Nouvelle vague aux studios hollywoodiens, en passant Bukowski et Jacques Vergès.
 
Impressionnant parcours que celui de ce cinéaste français cosmopolite, d’origine suisse, né à Téhéran il y a 75 ans, qui a fait tourner Mickey Rourke, Faye Dunaway, Meryl Streep, Gérard Depardieu, Benoît Magimel, Marthe Keller, Mimsy Farmer, Jacques Dutronc, Michael Keaton, Andy Garcia, Nicolas Cage, Jeremy Irons, Liam Neeson ou Gleen Close – excusez du peu. Sans oublier sa muse, et compagne à la ville, Bulle Ogier.
 
 

Concentré dans un coffret 

Dans le coffret Carlotta DVD et Blu-ray, vous retrouverez une synthèse de son œuvre : deux documentaires extraordinaires, l’un consacré au dictateur ougandais, le général Idi Amin Dada, l’autre à une expérience inédite menée sur l’apprentissage du langage des signes à un gorille, Koko, le gorille qui parle. Trois fictions accompagnent ces documentaires : Maîtresse, sur le sado-masochisme ; Tricheurs, sur l’addiction au jeu ; La Vierge des tueurs, passionnante réflexion sur la vieillesse et la création, l’un des tout premiers films tournés en caméra HD, dans l’enfer de Medellin. A quoi s'ajoute un documentaire resté inédit en France dans son intégralité,  le portrait de Charles Bukowski, génie autodestructeur de la littérature américaine – les amateurs de Bernard Pivot s’en souviennent encore, et dont Barbet Schroeder avait adapté le scénario original Barfly avec Mickey Rourke et Faye Dunaway. Et ce qui ne gâte rien, ces éditions sont bourrées de bonus, notamment des entretiens avec le réalisateur et le critique Jean Douchet.



Trois joyaux américains
 
Le coffret Carlotta en guise d’apéritif, reste le plat de résistance : l’intégrale que consacre le Centre Pompidou au cinéaste jusqu’au 11 juin, en sa présence, et avec de très nombreux films à voir et redécouvrir. J’en retiendrais trois, issus de sa période américaine : Le Mystère von Bulow, qui valut à son interprète Jeremy Irons le seul Oscar de sa carrière ; Before and after, resté inédit en salles en France et distribué à la sauvette aux Etats-Unis en raison de son sujet – les réactions d’un couple face à son enfant suspecté de meurtre – et malgré son casting – Meryl Streep, Liam Neeson, Edward Furlong ; Kiss of death, incroyable remake d’un polar des années 50 Carrefour de la mort, avec un Nicolas Cage dans un de ses meilleurs rôles de culturiste asthmatique. Reste bien sûr ses docs consacrés à Jacques Vergès, des raretés cultes post-68, comme More ou La Vallée.


 
Enfin, en guise de dessert, conseil d’ami : prolongez l’exploration avec l’ouvrage de Jérôme d’Estais, Barbet Schroeder, ombres et clartés, chez Lett Motif. Structuré comme un roman policier, il parcourt le labyrinthe foisonnant que constitue l'œuvre protéiforme du cinéaste, pour en débusquer le secret ultime, toujours plus fuyant quand on s’en rapproche. Indispensable.
 
Travis Bickle

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