mardi 29 août 2017

Le Veuf : un festival Alberto Sordi !

En salles : On connaît tous Le Fanfaron, Les Monstres, Les Nouveaux Monstres, Brancaleone, ou Mes chers amis. Or ce qu’il y a de bien dans la comédie italienne, c’est que beaucoup d’œuvres restent encore inédites dans nos contrées, ou n’ont jamais été rééditées depuis leur sortie. C’est le cas du Veuf, qui date de 1959, réalisée par le maestro du genre, Dino Risi, avec l’acteur le plus génial de la comédie italienne, Alberto Sordi. Moins riche qu’Une Vie difficile, moins amer que Le Fanfaron, Le Veuf n’en demeure pas moins une désopilante comédie de mœurs, ainsi qu’une satire grinçante – évidemment – de la société italienne du redressement économique. Quelques bonnes raisons de découvrir ce veuf.



La comédie italienne à son meilleur

Le Veuf contient tous les éléments du meilleur de  la comédie italienne. Tout d’abord une intrigue en 3 temps, savoureuse à souhait : un industriel milanais, humilié par sa femme, une richissime femme d’affaires, empêtré dans ses investissements louches, dans une hypocrisie permanente, hâbleur, menant une double vie, se débat comme il le peut dans l’Italie du boom économique. Après l’exposition réjouissante de sa situation, il se trouve confronté au veuvage et aux obsèques de sa femme – prétexte à une peinture de la société italienne, où tout le monde en prend pour son grade, du prêtre franciscain au capitaine d’industrie, en passant par la maîtresse subitement dévouée à son amant... Enfin, un twist inattendu permet au film de Dino Risi de basculer dans une noirceur inhérente au genre, sans laquelle la comédie italienne ne serait pas... italienne.
 

 
Festival Alberto Sordi

Ensuite, et c’est là le principal atout du film, il y a Alberto Sordi. Un festival. Il excelle tout autant dans le chagrin (souvent faux) que dans l’enthousiasme. Hâbleur, séducteur, bavard, il incarne avec maestria et tout ce qu’il faut de cabotinage, un personnage qui avec le temps est devenu un archétype de la comédie italienne : le bavard trop sûr de lui, totalement incompétent, raté, humiliant et humiliateur. On n’avait pas oublié ses compositions dans Une vie difficile, Les Nouveaux monstres, Le Grand embouteillage ou dans Un bourgeois tout petit, petit (qu’il serait bon de rééditer...). Mais il atteint ici des sommets de cabotinage et de drôlerie. Paradoxalement, malgré le rejet que devrait nous susciter son personnage menteur, arrogant, hâbleur (voire cupide et raciste), Sordi parvient à en faire un être attachant, sympathique et finalement, pitoyable. La France avait de Funès pour illustrer les années Pompidou ; l’Italie, Alberto Sordi, pour le boom italien de l’après-guerre. Du grand art !
 
Pour sa peinture sociale et historique


L’arrière-plan du boom économique et industriel de l’Italie de l’après-guerre est ici prétexte à de savoureuses situations, dans lesquelles le héros se trouve aux prises avec ses usuriers, ses ouvriers, son épouse, sa maîtresse, sa cour, composée notamment d’un marquis qu’il traite en laquais ! Le tout sur fond de crise du canal de Suez ou de la course à la lune entre Américains et Russes. Ce qui vaut de savoureuses répliques, du genre : "Tu as vu, deux Russes sont sur le point de marcher sur la lune ?" "Tant mieux, ça fera deux communistes en moins !".
 
Pour la noirceur sarcastique de Dino Risi

Dans sa dernière partie, la satire de Dino Risi glisse progressivement vers la parodie, celle du film noir, éclairage et musique inclus. C’est sans doute la partie la plus originale, sa plus sarcastique, sa plus italienne. C’est à ce moment-là que se dévoile le talent d’un Dino Risi, trop souvent cantonné en France dans le rôle d’un habile faiseur. Pourtant, son passé de psychiatre en fait l’un des plus fins analystes de l’âme humaine, jusque dans ses tréfonds les plus obscurs ; l’un des plus pessimistes sur le comportement humain. Qu’on se souvienne de Parfum de femme, Fantômes d’amour, Ames perdues ou Dernier amour. Ici, outre la férocité des rapports humains, Risi s’attache à dépeindre une société gangrenée par l’appât du gain. L’argent y est omniprésent. Une comédie indispensable.
 
Travis Bickle
 

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