lundi 4 septembre 2017

Barberousse : un chef-d'oeuvre d'humanité signé Kurosawa

En DVD et Blu-ray : Formidable initiative de Wild Side qui, avec la collection Akira Kurosawa Les années Toho, nous fait (re)découvrir en masters restaurés 17 grands films du maître nippon. Parmi lesquels quelques chefs-d'oeuvre, tel Barberousse (1965).



Dans un Japon qui semble intemporel, Noburo Yasumoto (Yuzo Kayama), un jeune médecin qui visait un poste auprès du shogun, se retrouve muté dans un dispensaire installé près d'un quartier pauvre. A la tête de cet établissement, le docteur Kyojio Niide (Toshiro Mifune), surnommé Barberousse. Laconique, austère, l'homme est entièrement dévoué à ses patients, des miséreux surtout, brisés aussi bien physiquement que moralement. Dépité de ne pas travailler dans de meilleures conditions, Yasumoto fait tout pour se faire renvoyer.
 
Un malade, un destin
 
A travers les yeux de Yasumoto, Akira Kurosawa lève le voile sur les laissés pour compte de l'archipel : une folle cloîtrée, un homme et une femme trahis, humiliés, une fillette sauvée d'un bordel, un petit voleur affamé... Autant de victimes dont la vie a basculé et qui se retrouvent à l'agonie. Ces exclus, dirait-on aujourd'hui, redeviennent quelqu'un en entrant dans le dispensaire : ils existent en se racontant, parfois contre leur gré. Chaque récit nourrit le film, le fait avancer en même temps qu'il fait évoluer les personnages. Les malades sont écoutés, soignés, traités avec respect. Mais l'engagement de Barberousse et de son équipe ne suffit pas toujours à guérir ces patients prostrés ou alités, dont les larmes, la fièvre ou le dernier souffle s'échappent sous le regard des médecins... et du spectateur.
 

 
Car la mort rôde. Kurosawa la filme au plus près, la douleur aussi. Il les associe au déchaînement de la nature (pluie torrentielle, vent violent) tandis que la magie d'une première neige ou le retour des beaux jours accompagne parfois une guérison. Chaque plan est d'une beauté à couper le souffle. Ici, la lumière transperce les ténèbres pour se poser sur l'oeil apeuré d'une fillette ; là, ce sont les ombres du médecin et de sa patiente sur le mur qui en font des comédiens sur la scène d'un théâtre. Magnifique noir et blanc bien servi par cette belle édition.
 
Les adieux de Mifune
 
Toshiro Mifune est presque en retrait mais chacune de ses apparitions est marquante. Barberousse est un homme en colère. Contre la maladie et l'injustice. Si parfois il sort de ses gonds (comme lors de cette formidable scène de combat à mains nues face à une dizaine d'opposants !), il reste généralement maître de ses émotions, tirant sur sa barbe pour traduire son embarras ou accompagner sa réflexion. Ses analyses cliniques, exprimées de manière lapidaire, ne l'empêchent jamais d'exprimer ses sentiments, ni de reconnaître ses torts. Mifune conserve toute sa force intérieure qu'il tempère d'une bonté dans le regard. Le tournage, qui dura deux ans, fut tendu, mettant fin à la collaboration entre le cinéaste et l'acteur. On ne peut que le regretter.
 
Face à Mifune, Yuzo Kayama interprète un candide hautain qui reçoit, sans s'en rendre compte, l'enseignement d'un sensei zen. Il sait faire passer le trouble ressenti par son personnage mais aussi son évolution. Les autres acteurs qui interprètent les malades ou le personnel du dispensaire sont formidables. Certains monologues sont tout bonnement poignants.
 
Quel film ! Kurosawa nous livre une ode bouleversante à l'humanité, dans tous ses excès. Le cru, le cruel côtoient la générosité la plus pure. Bravo à Wild Side qui sait une fois de plus mettre en valeur un chef-d'oeuvre en proposant un coffret intégrant un livret et des bonus passionnants.
 
Anderton
 

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